1er décembre, dehors le froid gerce les pavés de la cour. A l’intérieur, c’est une Barbara lumineuse et solaire qui réchauffait le Manège de Reims pour le Charabia Festival, « le rendez-vous des amoureux des mots et des oreilles curieuses ». Quelques mots du papa (l’artiste rémois Barcella) du festival grandissant – dont c’est la 5ème édition – annoncent le programme, Chien Noir tout en émotion en première partie.
Les prémices musicales au violoncelle tirent la superbe salle de sa pénombre. La silhouette de Barbara Pravi se devine dans l’ombre projetée. Le voile se lève à mesure que la jeune femme déclame son texte. Les pieds nus, vêtue d’un t-shirt noir arborant le même symbole que le soleil doré du décor, elle Laisse entrer le printemps dans [s]a vie et irradie la salle.
A chaque titre, son histoire. En quelques phrases vivement débitées, elle recontextualise ses chansons à base de « Imaginez ! », le souffle en haleine, ses grands yeux pétillants. C’est ainsi que nous voilà propulsés en Espagne pour quelques minutes. Barcelone en décembre, Pédro, les bagages encore en mains, elle a 23 ans. L’ambiance, les protagonistes, la problématique, tout y est. Elle raconte les divers épisodes qui ont façonné sa (pourtant courte) vie, et l’on s’y croirait ! On la savait auteure-compositrice-interprète, on la découvre narratrice, poète, conteuse d’un soir. Sauf que non, nous ne saurons jamais « ce que ça fait de [l]’aimer en Espagnol ». Dommage.
Ma chair, plus intimiste et personnelle, relate l’avortement ; mais aussi la résilience et la liberté de choix qui n’est pas même ailleurs. Pour elle, la fête est synonyme de soir de pluie passé seule chez elle en cocooning avec son chat. Pour simuler le rideau d’averse qui ruisselle à travers sa fenêtre fictive, elle incite le public à taper rapidement des mains sur les genoux, à l’unisson. Alors ce soir là, dans un mouvement de genoux de foule, l’averse est tombée sur le Manège noir de nuit.
Habitée telle Edith Piaf pour Les Oiseaux, elle montre une puissance de jeu et de voix impressionnante. Celle qui a représenté la France au concours international de l’Eurovision en 2021 avec Voilà, s’engage en faveur des droits et libertés des femmes. Prière pour soi fait appel à la force intérieure, qu’on a tous et toutes. Elle, a choisi d’être une guerrière. Après Malamour et Mes maladroits, elle improvise un bout de Déda – « grand-père » en Serbe – (peu interprétée en concert habituellement) pour laisser à sa violoncelliste le temps d’arranger ses cordes. Enfin, le Voilà ! Ce titre puissant, ténu, sensible. Elle, les boucles noires indisciplinées, la diction parfaite.
Barbara Pravi au Manège, scène nationale-Reims par JOEL DERA PHOTOGRAPHIES dans le cadre du Charabia Festival
Texte de Cindy Latique
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